PRÉSENTATION GÉNÉRALE
GENESE DE LA DÉFENSE
En 1950, la France se relevait de la guerre et le ministre de la Reconstruction, Eugène Claudius-Petit, demanda à trois grands architectes de lui proposer un schéma d'aménagement de la région de La Défense pour y organiser une Exposition Universelle en 1958. L'exposition se fit à Bruxelles, mais le schéma d'aménagement proposé par Camelot, de Mailly et Zehrfuss conforta l'idée qu'un nouveau quartier, vitrine de la France moderne, y aurait sa place.
La Fédération des Industries Mécaniques possédait un terrain triangulaire donnant sur le rond-point de La Défense. Ayant eu vent du projet, son président, Emmanuel Pouvreau demanda tout naturellement aux trois architectes de lui étudier un projet de grand palais des expositions et de l'intégrer dans l'aménagement global du futur quartier. Ainsi naquit le CNIT (Centre National des Industries et des Techniques). Son architecture audacieuse avait été voulue pour symboliser le dynamisme et le savoir-faire de l'industrie française renaissante.
LES PIONNIERS
Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zerhfuss, tous trois Grand Prix de Rome, proposèrent en 1956 de prolonger l'axe historique en le bordant de grands immeubles de bureaux et de logements reliés par des passerelles. Le CNIT faisait face à un immeuble de 250 mètres de haut. Le rond-point et la statue de La Défense étaient conservés.
Emmanuel Pouvreau réussit à trouver les financements et à convaincre ses partenaires industriels de réaliser ce pari technique et architectural qu'était le CNIT. Inauguré en 1958 par le Général de Gaulle, il restera pendant près de dix ans le seul édifice de La Défense. Mais quel monument... Il contribua largement à faire connaître La Défense à travers le monde. Convaincue par les instances gouvernementales et la présence du CNIT, la firme ESSO acheta un terrain dès 1957 pour y installer son siège social parisien.
C'est en 1958 que le gouvernement lance l'opération de La Défense. Il crée un organisme pour la mener à bien, l'Etablissement Public d'Aménagement de la région de La Défense (EPAD). Il lui confie la mission de réaliser le quartier d'affaires qui fait défaut à la capitale.
Un périmètre de 750 ha lui est confié sur les commune de Courbevoie, Nanterre et Puteaux.
LA PREMIERE GÉNÉRATION DE TOURS
Un nouveau plan est mis au point en 1960 par les architectes de l'Epad en collaboration avec Camelot, de Mailly et Zerhfuss. Approuvé en décembre 1964, il reprend les principes fonctionnalistes issus de la Charte d'Athènes. Afin de conserver une cohérence architecturale à La Défense, toutes les tours de bureau doivent respecter les mêmes règles. Les dimensions prescrites étaient de 24 par 42 mètres à la base sur 100 mètres de haut, ce qui correspondait à une trentaine d'étages de chacun 1000 m2 environ. Chaque maître d'œuvre était libre d'imaginer une architecture qui lui était propre à condition de rester dans cette forme. Ainsi naissent dès 1967 les tours dites de la première génération, comme Nobel (devenue Roussel-Hoescht) et Aquitaine (devenue AIG), les premiers "gratte-ciel" parisiens.
Les immeubles de logements ne doivent pas dépasser une dizaine d'étages. Ils sont prévus devant les tours pour bénéficier du soleil. De forme carrée, ils sont ouverts sur un patio-jardin au centre. La résidence Boïeldieu de Gilbert et Rabaud et la Résidence Lorraine de Camelot sont les premiers du genre. Par la suite, ces règles évoluèrent.
LA DEUXIÈME GÉNÉRATION
En 1969, l'expansion économique et la demande en bureaux deviennent tels que l'Epad reçoit l'autorisation de doubler la superficie de son parc d'immeubles. Un nouveau plan-masse est établi. Pour accueillir 1,5 million de m2 de bureaux, les tours peuvent atteindre deux cent mètres de haut et elles prennent de l'épaisseur : d'immenses "plateaux paysagers" voient apparaître des bureaux éclairés en "deuxième jour", sans accès direct à la lumière naturelle. Pendant les années 70 s'érigent ainsi les plus grandes tours dans le ciel du quartier d'Affaires comme GAN, FIAT (devenue FRAMATOME), ASSUR.
Les immeubles de logements aussi se mettent à grandir : Défense 2000 comporte 47 étages et dans le quartier du Parc, onze Tours-Nuages d'Emile Aillaud dépassent 100 mètres.
Aux difficultés économiques liées à la crise pétrolière de 1973 s'ajoute une campagne d'opinion contre les tours et les bureaux paysagers. Les immeubles construits restent vides. L'EPAD ne vend plus de droits de construire. De 1974 à 1978, La Défense connaît une crise grave, mais le gouvernement décide de poursuivre et de relancer l'opération par une fiscalité avantageuse.
LA TROISIÈME GÉNÉRATION
Ce qui avait provoqué la crise sera retourné au bénéfice de La Défense. L'EPAD met en place un nouveau plan d'aménagement. Architectes et promoteurs s'efforcent de répondre aux nouveaux besoins des entreprises. Plus confortables (tous les bureaux sont en premier jour), plus économiques (les charges sont réduites), adaptés aux nouvelles technologies, tels sont les immeubles de la troisième génération.
Pour répondre aux exigences nouvelles, les architectes doivent faire preuve d'imagination et inventer de nouvelles lignes (les Miroirs). Certains sont moins hauts, mais d'autres culminent à près de 200 mètres (ELF). Quant aux promoteurs, ils commercialisent les bureaux avant de les construire.
1989 ET APRÈS
L'histoire de La Défense se poursuit. En 1989, la Grande Arche, véritable monument du XXème siècle, conforte la dimension internationale du quartier d'affaires et ouvre la perspective sur de nouveaux aménagement que doit réaliser l'EPAD sur son périmètre à Nanterre.
Le quartier Valmy (La Défense 7) en est la première étape. Les tours jumelles de la Société Générale en marquent l'aboutissement. Depuis ESSO, le premier immeuble d'acier et de verre de Paris, La Défense offre aujourd'hui la vitrine exceptionnelle de cinquante années d'architecture française, avec ses contrastes, ses forces et ses faiblesses.
Demain, de nouveaux immeubles remplaceront les plus anciens... L'histoire n'est pas achevée.
LES TROIS ARCHITECTES DU CNIT
Robert Camelot (1903/1993)
Architecte DPLG, Grand Prix de Rome en 1933, Robert Camelot devient Architecte en Chef des Bâtiments Civils et Palais Nationaux après avoir travaillé aux Etats-Unis où il a beaucoup appris sur la construction des tours de grande hauteur. Etablissant le plan de La Défense, il propose dès 1957 d'édifier une tour de 250 mètres de haut en face du CNIT. Par la suite, il participe à tous les concours Tête Défense sans jamais réussir à être lauréat ni à construire une tour de bureaux à La Défense. Devenu Architecte-conseil de l'EPAD en 1958, il conçoit la Résidence Lorraine et l'îlot Corvée.
Jean de Mailly (1911/1975)
Issu d'une famille d'architectes, Jean de Mailly occupe les postes les plus prestigieux de sa profession. Architecte en chef des Bâtiments nationaux en 1948, il est ensuite architecte-conseil de plusieurs ministères et organismes publics dont l'EPAD. Il reçoit de nombreuses commandes publiques. Premier Grand Prix de Rome en 1945, il marque de son empreinte l'architecture des années 50/60 : des formes pures d'une grandeur parfois sévère, et un fonctionnalisme aujourd'hui controversé pour certains de ses immeubles de logements. Avant la création de l'Epad, il conçoit le quartier Bellini et la tour Nobel (devenue Roussel-Hoechst), la première tour de bureaux de la région parisienne. Il crée ensuite plusieurs des tours marquantes de La Défense.
Bernard Zehrfuss (né en 1911)
Architecte DPLG et Premier Grand Prix de Rome en 1939, le talent de Bernard Zehrfuss lui permet de devenir Architecte en Chef des Bâtiments Civils et Palais Nationaux, puis membre de l'Institut. Une de ses œuvres les plus connues est le Palais de l'UNESCO à Paris. Après avoir contribué à concevoir le plan de La Défense, il devient architecte-conseil de l'EPAD à sa création. A La Défense, il ne construit rien d'autre que le CNIT en 1958 ; il participe à sa rénovation en 1987 comme conseil auprès d'Andrault et Parat.
LE CNIT
Lors de sa construction, le CNIT étonne le monde par son audace. Sa voûte haute de cinquante mètres construite sur un triangle équilatéral de 218 mètres de côté pourrait recouvrir la place de la Concorde.
Conçue par l'ingénieur Nicolas Esquillan, la voûte est constituée d'une série de "tubes" cloisonnés en béton armé accolés et rayonnants à partir de chaque culée. Chaque fuseau est formé par deux coques très minces (6 cm d'épaisseur) reliées par des âmes et des tympans préfabriqués. Cette double coque possède de nombreux avantages : isolation thermique et phonique, sécurité pour l'étanchéité, câbles camouflés, et passage d'hommes possibles pour l'entretien.
La voûte repose sur trois culées de béton ancrées dans le sol qui sont reliées entre-elles par 44 tirants constitués de câbles en acier spécial pesant 84 tonnes chacun.
Chaque fuseau (joignant en étoile les trois culées à la clé de voûte) a été coulé sur un coffrage en contre-plaqué supporté par un échafaudage spectaculaire : il a nécessité trois cents kilomètres de tubes et deux mois de montage. Le décoffrage a été tout aussi exceptionnel : la voûte a été "décollée" de son coffrage, soulevée par dix vérins s'appuyant sur chacune des trois culées. Chaque jeu de vérins aurait été capable de soulever les 3.000 tonnes de la tour Eiffel. Puis la structure tubulaire montée sur roulettes était glissée sur le côté pour être réutilisés pour le fuseau suivant.
La voûte est sensible aux variations de température et se dilate : sa hauteur peut varier de 25 cm entre l'été et l'hiver. Par forte pluie, les eaux qui s'écoulent vers les culées peuvent atteindre un débit de 20 mètres cube par minute...
Le premier mètre cube de béton a été coulé le 8 mai 1956 et le CNIT a été inauguré le 12 septembre 1958. Entre ces deux dates, près de 30.000 m3 de béton ont été mis en œuvre par les entreprises Balency et Schuhl, Boussiron, Coignet qui ont relevé et gagné ce défi technique.
Les façades en verre sont tenues par des profilés très minces en acier inoxydable. Conçues par Jean Prouvé, elles sont classées monument historique et ont été restaurées lors de la transformation du CNIT en 1987.
LES DEUX ARCHITECTES DE LA GRANDE ARCHE
Johan-Otto von Spreckelsen
Né en 1929 au Danemark et diplômé de l'Académie Royale des Beaux-Arts de Copenhague en 1953, Johan-Otto von Spreckelsen est devenu directeur du département architecture de cette école en 1978. Il a fait des études approfondies en Europe, au Proche-Orient et aux États-Unis, orientées particulièrement sur les mosquées et autres architectures de grande envergure. Il a également réalisé des études historiques sur les travaux de Le Corbusier, Franck Lloyd Wright, Alvar Aalto et d'autres architectes du XXe siècle. Von Spreckelsen a très peu construit : une église, quelques maisons et l'Arche. Affaibli par un cancer, il démissionne en mai 1986 et décède en mars 1987, avant l'achèvement de la Grande Arche.
Paul Andreu
Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et architecte DPLG, il dirigeait l'agence d'architecture et d'ingénierie des Aéroports de Paris qui emploie 300 personnes dont une centaine d'architectes. Il a mené l'étude de l'aéroport de Roissy (1967) et à réalisé de nombreux autres aéroports dans le monde. C'est Spreckelsen qui a choisi Andreu en 1984 dans une liste de grandes agences parisiennes. Il avait été associé comme mandataire français de la maîtrise d'œuvre dès le début du chantier de l'Arche. Paul Andreu est resté seul architecte de réalisation après la démission de l'architecte danois.
LA GRANDE ARCHE
Par sa position exceptionnelle sur l'Axe Historique de Paris, le site de la Tête Défense a connu des fortunes diverses au fil de l'aménagement du quartiers d'affaires.
Oublié dans le premier plan d'aménagement, il fut par la suite l'objet de la sollicitude des chefs d'état qui se succédèrent à l'Elysée.
Un projet signé Peï retint l'attention du Général de Gaulle, puis Aillaud pour le Président Pompidou et enfin Willerval pour Valéry Giscard d'Estaing.
A son arrivée au pouvoir, François Mitterrand fit table rase du passé et inscrivit "Tête Défense" dans le cadre de ses grands projets d'architecture. L'EPAD lança en 1982 un concours international d'architecture. 424 architectes du monde entier présentèrent un projet. Le jury en retint quatre qu'il présenta au Président de la République. L'un d'entre-eux s'imposa par sa force, sa simplicité, sa pureté. Le concours était anonyme et lorsqu'on ouvrit l'enveloppe, on découvrit le nom d'un architecte danois quasi inconnu : Johan Otto von Spreckelsen.
Pour construire les 35 étages de l'Arche, il eut à vaincre de nombreuses difficultés qui se transformèrent en autant de performances. Par exemple, ce cube creux de 100 m de côté a été conçu comme une mégastructure indépendante. Elle repose sur 12 piliers qui supportent les 300.000 tonnes du bâtiment ; intercalées entre les piliers et la mégastructure, des plaques de néoprène absorbent les vibrations et les variations dimensionnelles. Les façades extérieures sont couvertes de 2.800 panneaux en vitre optique (sans déformations des reflets). Chacun pèse (et coûte) l'équivalent d'une petite voiture : il a fallu trouver une technique pour les faire tenir de manière invisible. Les poutres en béton précontraint de 70 m supportant le toit d'un hectare ont été coulée à 110 m de haut, avec une précision de l'ordre du millimètre. Leur fabrication a nécessité l'invention d'un béton spécialement résistant à base de fumée de silice.
L'Arche n'est pas totalement de face par rapport à l'Axe. Cette inclinaison a été voulue par l'architecte : il désirait que l'on comprenne le volume cubique en apercevant une face intérieure et extérieure. L'angle choisi est de 6,3° le même que celui du Louvre où commence l'Axe. Le sens de l'inclinaison a été dicté par l'emplacement des piliers au sol qui est encombré de routes et voies ferrées.
Le destin voulut que von Spreckelsen ne vit pas l'achèvement de son œuvre. La maladie l'emporta en 1987. Paul Andreu, architecte attitré des Aéroports de Paris avait été nommé mandataire français de la maîtrise d'œuvre pour assister l'architecte danois. Il mena seul le chantier jusqu'à son terme.
Commencée en 1985, l'Arche a été inaugurée le 14 juillet 1989 pour le bicentenaire de la Révolution française. Monument architectural, la Grande Arche a aussi une force symbolique marquée par la présence dans son toit de la Fondation "L'Arche de la Fraternité" dépendant des Droits de l'Homme.
Identique vue de l'ouest comme de l'est, la Grande Arche a pesé lourd dans la décision de poursuivre l'aménagement de l'espace qui va de ses pieds à la Seine à Nanterre. Déjà, en 1983, Von Spreckelsen écrivait de manière prémonitoire dans la présentation de son projet : "La Grande Arche est un cube ouvert, une fenêtre sur le monde, comme un point d'orgue provisoire sur l'avenir".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire